Réflexions sur la veille et l’intelligence économique

Publié le par Thierry

« Se faire battre est excusable, se faire surprendre est impardonnable » 
Napoléon Bonaparte
 
En prononçant cette phrase à son état major, l’empereur Napoléon Bonaparte mettait le doigt sur un point essentiel, qui s’avère avoir dépassé largement le cadre d’un champ d’un bataille, et prend même toute sa valeur dans notre monde industriel et l’économie de marché plus généralement. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si cette réflexion de Napoléon est la plus citée dans le monde de la veille et de l’intelligence économique (IE). En effet, il n’est pas facile de définir de l’IE et on peut même dire qu’il existe autant de définitions que de « veilleurs » s’évertuant à y développer son expertise.
 
Pour faire simple, l’intelligence économique regroupe globalement l’ensemble des actions définissant la stratégie de l’entreprise, afin de lui permettre de voir loin et de réagir vite, soit pour se prémunir d’un risque ou d’une attaque concurrente, soit pour prendre en secret une position tactique pour être en situation favorable lorsque la concurrence directe arrivera... Albert Einstein avait prédit : « Le 21ème siècle sera celui de la communication » et force est de constater qu’il avait bien raison.
 
Les nouvelles technologies de communication comme l’internet ont changé la donne de l’économie de marché et ont accéléré les phénomènes de mondialisation de l’économie. Le train est désormais parti et nul ne pourra l’arrêter. Il faut le prendre en marche si l’on veut éviter d’arriver en retard. Toute posture défensive, rétrograde voire protectionniste pour l’entreprise ne peut être que temporaire. Quelque part dans le monde, un inconnu que vous ne connaissez pas, qui ne vous connaît pas, peut agir et concourir activement à votre perte. Les chefs d’entreprise l’ont bien compris.
 
La France a pris beaucoup de retard en matière de veille et d’intelligence économique mais petit à petit les mentalités sur ces sujets évoluent. Hormis l’emploi lié aux services de proximité, compte tenu du coût de la main d’œuvre en France, les tâches à faible valeur ajoutée comme celles effectuées par les ouvriers en usine sont condamnées à être délocalisé dans les pays dits « low cost ». La France a la chance de produire une main d’œuvre très qualifiée qui fait des envieux dans le monde entier, à tel point que nombre d’entreprises étrangères viennent en France implanter des centres de R&D ou des centres de fabrications de produits complexes. Les exemples font légion : le groupe suisse Rieter Automotive à Aubergenville, l’américain Motorola, etc.… Avec ses infrastructures et la haute qualité de vie qu’elle peut offrir, la France possède un trésor qu’il convient de garder et de cultiver. Cette avance technologique et la propriété intellectuelle qui en découle ne doit en aucun cas être laissée à l’abandon. Certes, les bases de données en ligne, comme celle des brevets, permettent aux entreprises françaises de se protéger et de voir si leurs droits n’ont pas été bafoués. Mais les pratiques ont changé pour contourner des brevets gênants et s’approprier des innovations fortement profitables à moyen terme.
 
Maintenant, l’achat stratégique d’entreprise est devenue monnaie courante pour s’approprier des technologies ou des marchés clés. Les fonds de pension anglo-saxons ou américains, qui prônent la logique de rentabilité à très court terme, sont souvent en coulisse dans l’actionnariat, contrôlant les conseils d’administration. Dans de telles situations, le savoir-faire et l’innovation s’évadent de l’Hexagone pour être éventuellement repris et améliorés ailleurs. Dans le cas où l’entreprise se retrouve engloutie dans un groupe mondial, les experts de cette entreprise innovante finissent généralement par former les ingénieurs et techniciens des filiales du groupe dans les pays low-cost d’où une accélération du phénomène de délocalisation. Avec le rachat récent du constructeur américain Chrysler par le fond de pension américain Cerberus pour 7,5 milliard de dollars, on passe à une autre dimension.
 
Les risques de fuites technologiques sont désormais grands et ne vont aller qu’en s’accroissant, si la France ne réagit sur le plan de la finance. Les socialistes doivent être en pointe sur ce sujet pour répondre par une stratégie adaptée. Les délocalisations se combattent en premier lieu dans le milieu de la finance comme par exemple en incitant les levées de fonds à même de fortifier une entreprise innovante. Les Français étaient les pionniers en matière de photographie, mais qui peut me citer aujourd’hui un fabricant français d’appareil photographique ?  
 
L’histoire a montré que l’économie de marché était la seule option viable. A ce titre, il convient capital de se battre avec les armes déposées sur la table par le capitalisme, quitte à pratiquer une forme patriotisme économique. Les flux financiers sont le nerf de la guerre et à ce titre, la finance est le premier point sur lequel il faut jouer offensif ! Il est grand temps d’arrêter de laisser la voie libre aux fonds de pension américains et anglo-saxons et de mettre sur pied un écosystème financier solidaire qui, en bout de chaine, viendraient écouler dans l’économie française les plus-values engrangées. Les salariés français pourraient ainsi bénéficier plus amplement de leurs contributions au succès de leurs entreprises, ce qui serait loin de contredire l’idéal socialiste. Beaucoup de joueurs d’échecs, et moi le premier, vous le diront. Dans bien des cas, la meilleure défense reste l’attaque.
 
Pour conclure ma contribution sur la veille et l’intelligence économique, je vous laisse apprécier l’admirable audace du maréchal Ferdinand Foch. Alors que la bataille de la Marne faisait rage et passait par une phase dramatique, il adressa le message suivant au Grand Quartier Général au début de septembre 1914: « Pressé fortement sur ma droite, mon centre cède, impossible de me mouvoir, situation excellente, j'attaque. »
 
 
Dans cet esprit, il est indispensable de proposer des initiatives fortes pour faire que la Veille et de l'Intelligence Economique deviennent :
  • un moyen courant d’anticipation des évolutions technologiques et de leurs impacts sur les entreprises et donc sur les salariés comme sur les citoyens,
  • Et un moyen de renforcer de nos PME dont beaucoup sont en retard sur l'utilisation des ces outils souvent perçus comme hors de portée.

Désir d’Entreprendre se doit d’être et sera aux avant-postes de cet effort de proposition et de réflexion.

Publié dans tribune libre

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